Dissertation : Pierre Reverdy écrit dans son Bloc-Notes "39-40" : "En lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres. Le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même".
Qu'en pensez-vous ? Sujet capes lettre classique en 1984. Correction demain
CORRECTION EXTRAITE DE "Dissertations littéraires générales" ed.Fac Littérature, , dissert prépa capes, Pages 142 et 143
I - La lecture d'un roman, moins intense que celle d'un poème
A - Reverdy évoque le ravissement romanesque, réel dans le cas des romans permettant de s'évader des contraintes du quotidien. Mais il évoque aussi de façon plus critique le "rapt" qu'opère le roman dans le cas d'une lecture d'identification - comme celle de Don Quichotte - qui aliène le lecteur.
B - par comparaison, le poème "émeut", au sens fort du terme, dans un mouvment profond de la sensibilité. C'est le contact direct du lecteur avec le moi du poète, dnas les oeuvres lyriques, d'Ovide aux romantiques, qui font l'économie de la médiation par le personnage. La première personne poétique touche davantage que la troisième personne romanesque. Elle permet en écho une découverte de soi.
II - Les limites de la position de Reverdy
A - Le roman n'est pas synonyme de romanesque. Il a au contraire imposé sa légitimité en combattant sur divers modes l'aliénation qu'il pourrait induire. Diderot brise le charme dans "Jacques le fataliste". Balzac et Zolatendent au lecteur un miroir critique de la société, en souhaitant qu'ils prennent conscience de ses rouages et de ses dangers. Il y a une lecture "adulte" du roman.
B - La poésie n'est pas synonyme de découverte de soi. Il existe une poésie de plaisir, faite pour l'évasion dans le merveilleux, comme l'épopée, ou pour les jeux croisés de l'imaginaire et des mots, comme chez Marot ou chez Prévert. A l'opposé, toute une tradition poétique aspire à révéler les mystères du monde : au-delà du lyrisme, Les Fleurs du mal insistent sur la clef idale des "correspondances", sur le voyage "au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau".
III - Le pouvoir de la métaphore des oeuvres littéraires
A - La littérature contemporaine a remis en question la frontière entre les genres. Une attitude "poétique" est ainsi demandée aux lecteurs des romans de l'écriture, comme ceux de Butor ou de Duras. C'est à une "émotion" intime que nous convie le narrateur de la recherche ; à un ébranlement de nous-mêmes que nous entraînent Joseph K, Roquentin ou Meursault. La réception des oeuvres, poétiques ou romanesques, suppose maintenant une part de (re)création.
B - "Je est un autre" disait Rimbaud. Et cet autre est révélé par la lecture, qui est expérience paradoxale d'une altérité servant à mieux nous connaître nous-mêmes. Toute lecture, poétique ou non, est déplacement de soi à soi. Seule la littérature permet cet enrichissement silencieux.